Quand la collection devient plus importante que le jeu

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Pour comprendre comment j’ai construit ma collection et comment j’ai voulu en faire une quasi oeuvre d’art, je vous conseille de lire en préambule deux de mes précédents articles. Celui où j’explique comment j’ai purgé ma collection en passant de 900 à 150 jeux, et celui où j’ai défini une sorte de cahier des charges pour la contenir dans une proportion respectable.

Je souhaite depuis plusieurs années donner une nouvelle orientation à ma collection. J’ai fait parti des acheteurs compulsifs qui se procurent tout et n’importe quoi sous prétexte que ce sont soit des bons jeux, soit des jeux pas chers. Et c’est tout naturellement que je me suis retrouvé avec des étagères remplies de jeux auxquels je ne jouerai jamais. Plus tard, j’ai préféré miser sur la qualité plutôt que la quantité et après 5 longues années passé à trier, ranger, vendre et acheter, j’ai cru réussir à contrôler ma collection, avant de me rendre compte que c’est elle qui me contrôle depuis le début.

Mon parcours de collectionneur

Pour reprendre les termes de l’ebook écrit par link-tothepast qui s’intitule Comment les jeux vidéo sont devenus des objets de collection, j’ai toujours été ce que l’on appelle un collectionneur vitrine, qui expose sa collection, qui la montre à qui veut la voir. Contrairement à mon profil de collectionneur qui lui, a bien évolué au fil des années. J’ai commencé comme collectionneur joueur, qui garde les jeux qu’il finit. Puis j’ai évolué en collectionneur nostalgique en me procurant les jeux de mon enfance, même ceux que je ne connaissais pas. Et je suis devenu collectionneur accumulateur. Avec les dérives que cela entraîne évidemment, comme les fulls-sets et les collections basées sur une console, une saga ou un développeur. Et ce, jusqu’en 2016 où j’ai décidé de privilégier la qualité à la quantité. Je suis devenu à ce moment-là un collectionneur exigeant. Je considérais alors ma collection comme quasi parfaite. Jugez par vous-même.

Collection jeux vidéo
Voici l’exposition dans ma GameRoom de ma collection en 2020

J’ai atteint mon objectif suite à de nombreuses batailles contre moi-même pour savoir quels jeux resteraient dans ma collection. Que dis-je, quel jeu aurait l’honneur de faire de parti dans ma collection. Cette question plutôt simple en a amené d’autres plus compliquées :

– Est-ce que ce jeu m’a vraiment marqué ?
– Est-ce que je peux le considérer comme un chef-d’oeuvre ?
Plus que celui-ci ? Non, alors lui, je m’en sépare !
– Est-ce que je dois garder les différentes éditions d’un même jeu ?
– Y a t il un intérêt à garder un jeu sous blister ?
– Quand on a un même jeu neuf et d’occasion, autant garder uniquement le neuf car je sais que je n’y rejouerai plus ?
– Mais alors, pourquoi garder le neuf ?

Ces questions m’ont un peu hanté durant mes années de collection, mais je les ai majoritairement mises de côtés en reportant mon attention sur autre chose. Et c’est comme ça que j’ai perdu énormément de temps. J’ai perdu du temps car je réfléchissais à ma collection plutôt que de jouer. J’ai perdu du temps car j’arpentais eBay, LeBonCoin et consort pour trouver le(s) jeu(x) qui rendrai(en)t ma collection la plus parfaite possible. Et le jeu dans tout ça ? Peu, voire plus selon les périodes. Si les 5 premières années ont été un vrai plaisir de collectionner, chercher, trouver, vendre et acheter, les 5 dernières ont été une réelle perte de temps. Car même si on sait tous que par définition une collection est inutile, j’ai réellement compris récemment que garder un objet dont on ne se sert pas n’a AUCUN intérêt. Si ce n’est occuper une partie de notre esprit, continuellement.

Toujours plus, et encore plus

Je pense donc que la réaction d’achat compulsif dont on a tous fait preuve à la flambée des prix du retrogaming en se disant « j’achète tant que c’est pas cher », « je peux pas y jouer maintenant mais je prend quand même », « je connais pas mais c’est un hit de la console » n’ont pas vraiment été guidé par l’envie de jouer, mais plus par une envie de posséder, combiné à une espèce de peur du manque. On peut dire la même chose pour la génération actuelle où l’on achète un peu tout ce qui passe en soldes sous prétexte que c’est pas cher, pour finalement ne jamais y jouer. On peut également dire que les réseaux sociaux ne nous ont pas vraiment aidé. Comment ne pas en vouloir plus quand des dizaines de personnes sur le net exposent leur collection plus folles les unes que les autres à qui veut la voir ? Tout le monde veut sa part du gâteau, et plus grosse que celle des autres si possible.

Des gamins plutôt logiques

Ironiquement, le regretté comportement que l’on a tous eu étant enfant, qui consistait à revendre nos jeux une fois terminés et nos consoles une fois la nouvelle génération arrivée était tout sauf bête. Je dirais même que c’était d’une logique implacable pour les joueurs que nous étions. Pourquoi ? Dans mon cas, c’est tout simplement parce que sur les 150 jeux en ma possession, j’ai seulement rejoué à deux d’entres eux depuis que je les ai fini la première fois. Et oui, vous avez compris. Plutôt que de tout stocker bêtement pendant des années, j’aurai pu m’en séparer au fur et à mesure, comme quand on était gamin, et racheter ces deux jeux quand j’en avais besoin. J’aurai le même parcours de joueur qu’aujourd’hui, sans la charge mentale qu’impose une collection à son collectionneur.

Car je pense que le souvenir d’un jeu se matérialise dans notre tête, et aucunement besoin de détenir ledit jeu pour savourer épisodiquement les émotions ressenties en y jouant. C’est ce que je pensais en gardant les jeux qui m’ont marqué, mais je me rends compte que c’était une illusion. Quand j’ai eu besoin de voir un jeu pour m’en rappeler, au mieux je me suis dit : « ah oui je l’avais oublié celui-là, il était génial », sans vraiment me souvenir pourquoi.

Alors maintenant, on fait quoi ?

Depuis cette prise de conscience, j’ai mis ma collection dans des cartons, et ils ne me manquent absolument pas pour le moment. Je dirai même que par moment je l’oubli. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire, mais plusieurs possibilités s’offrent à moi :

– Je vends tout
– Je vends tout sauf quelques pièces qui me tiennent à cœur
– Je laisse tout en carton et je vois dans quelques temps si ça me fait plaisir de revoir tout ça

Aujourd’hui je suis plutôt pour la première option, mais même si la raison me dit que c’est la bonne, je pense que je vais opter pour la seconde car je suis pas encore prêt à me séparer à 100% d’une dizaine d’années de ma vie.

Mais ce qui est sûr, c’est que depuis que je ne vois plus ma collection tous les jours, je joue beaucoup, au rétro comme au current, et c’est bien ça qu’on veut tous au fond, jouer !

10 Commentaires

  1. Belle réflexion sur la charge mentale. C’est vrai qu’en parcourant récemment un célèbre forum dédié au retrogaming, je me suis dis que j’aurais jamais la patience ni l’énergie de gérer de telles collections.
    J’ai eu des pulsions de ce genre pour le cinéma, à l’époque des DVD, mais là aussi c’est plus sain de ne garder que les films qu’on ressort souvent 😉

  2. Bien vu cette réflexion sur la charge mentale (ou “temps de cerveau (non) disponible” ^^ ).
    Tant que cette charge mentale reste un plaisir … J’ai été collectionneur entre 2005 et 2013, et je me rappelle d’un grand plaisir : dnas mes moments perdus (marche, métro, attente ininterrompue, etc.), j’essayais (mentalement donc) de reconstituer toute ma collection : quel jeu, dans quel contexte (brocante, boutique, ebay, forum, …), à quelle date (mois et année, faut pas pousser non plus ^^ ). J’adorais cet exercice !

    Quand j’ai commencé à (vouloir) m’en séparer, la charge mentale est devenue plus gênante, avec ces questions : quels jeux garder / vendre (très difficile à répondre – un vrai supplice), à quel prix (cher sur ebay sans être pressé de vendre, ou brader des lots sur leboncoin ?), ne faire que du mains propres (et être très très patient) ou bien faire l’effort de préparer des colis. A ce moment, la collection devient un problème 😉

    Je reviens à la question la plus difficile, en effet : quels jeux vendre ? Sur quels critères ? Bien sur, comme écrit dans l’article, le critère clé est : “Je vends tout sauf quelques pièces qui me tiennent à cœur”.
    => mais qu’est ce que ça signifie exactement “tenir à coeur” ? Si je peux vendre un jeu 300 euros, alors que je l’ai payé 10 ou 15 euros à l’époque , est-ce qu’il me tient à coeur tant que ça ?

    Bref, une vraie charge mentale en effet, et aussi de nombreuses conversations avec d’autres collectionneurs …

  3. @evilmarmotte : Quand tu commences à avoir une grosse quantité de jeux (ou DVD et consort) c’est effectivement beaucoup d’énergie dépensée, pour au final pas grand chose.
    Ca fait bientôt un mois que j’ai écris cet article, et mes jeux sont toujours dans des cartons, je n’ai pas franchi le pas de la vente, mais au moins j’y pense plus du tout 🙂

    @gazza8 : c’est exactement ce qui se passe pour moi aujourd’hui, et c’est devenu beaucoup trop contraignant, en plus de me rendre compte qu’il y a des choses bien plus intéressante à faire que ça ^^

  4. Ça commence à faire un paquet de jeux là… Bonne idée de s’en défaire

    Personnellement j’ai opté pour la solution simple : retrouver les consoles de mon enfance, en parfait état et si possible en boite que je modifie pour y mettre puce/everdrive, j’achète en boite UNIQUEMENT les jeux qui m’ont réellement marqué, même si ces jeux n’ont aucune valeur et resteront sans valeur.(MARIO,DUCKHUNT,PAPERBOY,ALADDIN,SONIC,STREETOFRAGE,GTA2,GT2,CRAZYTAXI…)

    Mon envie de posséder des souvenirs est comblée par les consoles et jeux de mon enfance et mon envie de jouer et de découvrir (quand j’en ai le temps) est rassasiée par les Everdrive.

    Je n’achète pas les consoles que je n’ai pas connu, je n’achète pas les jeux en piteux état, je n’achète pas “parceque ça peut prendre de la valeur” et je ne m’invente pas une vie de junkie NEOGEO parceque c’est tendance

    Dans cet état d’esprit, la charge mentale va très bien !!

  5. Je me retrouve tout à fait dans cet article et dans votre parcours. J’ai commencé à collectionner il y a 15 ans sur un peu tous les supports rétro que j’avais connu à l’époque (SNES, Dreamcast, N64) avant de craquer et de revendre la majorité de ma collection autour de la barre des 300 jeux atteinte. S’ensuit une pause de quelques années et une rechute, cette fois sur GC et PS3. Et rebelote, l’overdose autour de 300 à 400 jeux.

    Je me suis rendu compte que j’achetais des jeux juste parce que c’était des sois-disant hits alors que le genre ou le jeu en lui-même ne m’ attirait pas tant que ça, ou que je savais éperdument que je n’aurais jamais le temps de jouer à tout ça.

    En fait, je me comportais comme si j’avais encore autant de temps et d’envie disponibles que lorsque j’étais étudiant. Mais l’eau a coulé sous les ponts, je suis plus vieux, père de 3 enfants, un taff prenant et une maison et un jardin à entretenir. D’autres priorités. On ne revient pas en arrière, c’est une illusion que la possession matérielle se plait à entretenir.

    J’ai même fini par revendre ma SNES récemment, ma console de coeur que je gardais précieusement avec tous ses hits complets en super état tel un trésor inestimable (alors que ce n’est qu’un objet industriel produit à des millions d’exemplaires). La hype a vraiment un pouvoir incroyable quand on y pense. Cela faisait des années qu’elle dormait au placard. Jusqu’au jour où je me suis dit “et si je rejouais un peu à la SNES sur le support d’origine ?”. Et là, c’est le drame : console qui a commencé à jaunir malgré un soin extrême, piles de sauvegarde mortes, cartouches qui commencent à ne plus se lancer du premier coup, image dégueulasse sur ma TV HD, connectique d’un autre âge qui rend impossible le branchement sur mon home-cinema ou sur mon video-proj’, etc.
    Bref, moi qui ne jurais que par le fameux “support d’origine”, j’ai ravalé ma fierté de rétro-gamer et j’ai fini par reconnaitre que ma SNES mini offrait des conditions de jeu nettement supérieures.

    Un point important cela dit : je suis dans une phase de ma vie où je suis vraiment écoeuré par le matérialisme futile de notre mode de vie, je suis en quête de minimalisme et de plus de simplicité, et vraiment convaincu que la possession matérielle, c’est de la merde. Ça n’amène jamais le bonheur, bien au contraire.

    Une petite ludothèque centrée sur les jeux qui me procurent vraiment du plaisir, sur lesquels je reviens tout le temps, voilà l’équilibre que j’ai trouvé de mon côté.

  6. Vraiment intéressant! Ton article va dans le même sens que la réflexion que je me suis posée et je me retrouve pas mal dans ton expérience.
    C’est vrai qu’aujourd’hui je me dis que c’est un peu maladif toute cette tendance à vouloir collectionner pour collectionner, et il y a beaucoup de personnes dans ce cas.
    J’ai eu ce problème (encore un peu), par exemple j’avais tendance à acheter des séries complètes de jeux, mais au final 1 ou 2 titres de cette série me plaisent réellement, l’illusion de la complétion. Alors je fais du tri, et ce qui est encourageant, c’est que lorsqu’on commence à trier et ne garder que les essentiels, ça va très vite, on cible rapidement ce dont on veut se débarrasser!

    • C’est vrai que malgré les apparences, quand on est décidé à faire du tri, on se rend rapidement compte que tout le merdier qu’on a accumulé 🙂
      Avec le recul que j’ai maintenant (un peu plus d’un an pour l’article), je me dis qu’on se prend beaucoup trop la tête avec nos collections qu’on veut à tout prix voir vivre et être parfaite. Je pense qu’il faut juste savoir passer à autre chose de temps en temps sans forcément tout mettre en vente et pouvoir prendre un peu de recul. Mais c’est pas évident !

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